Poètes algériens d’expression orale

L’Algérie possède un patrimoine de poésie populaire aussi riche que  varié, tant en tamazight qu’en arabe dialectal. Cependant, une  grande partie, précieuse et rare, demeure orale, puisqu’elle repose  sur le bouche-à-oreille qui l’expose souvent à l’oubli.  Des noms illustres ont laissé, à travers les siècles, une empreinte  indélébile dans la mémoire collective et continuent de susciter l’intérêt  et l’admiration de ceux qui approchent leurs oeuvres.  Sidi Lakhdar Ben Khlouf (XVIe siècle)  C’est l’un des poètes algériens les plus célèbres. Centenaire, il  consacra 80 ans de sa vie à chanter le Prophète (QSSSL), au point  que son oeuvre entière paraît lui être exclusivement consacrée. Il  marque la vie mystique et religieuse du Dahra (Ouest). Trop pauvre  pour entreprendre le pèlerinage, il eut l’extraordinaire compensation  de voir le Prophète, unique objet de son amour,  quatre-vingt-dix-neuf fois dans son rêve. Plus tard, il fit le serment  que l’Elu de Dieu (QSSSL) lui a même accordé la faveur de venir le  voir dans la réalité. «Fil yaqdha wa layça fil manam» (dans la réalité  et non en rêve), affirmait-il dans un poème de deux cents vers  qui commençait par «Ya tadj el anbiya el kram» (couronne des nobles  prophètes).  Mohamed Ben M’sayeb (XVIIIe siècle)  Il fut le poète citadin le plus célèbre du Maghreb occidental. Connu  surtout pour ses poésies amoureuses, il a également laissé de très  beaux chants religieux, dont le plus fameux Medh Er Rassoul (QSSSL)  (hymne au Prophète). Il connut des honneurs et des succès mérités  par son talent. Mort en 1768, il est enterré à Tlemcen.  Si Mohand U M’hand (XIXe siècle)  Poète oral par excellence, Mohand U M’hand, grand marcheur,  appartient à cette race de poètes errants distribuant leur poésie au  gré des chemins parcourus, des villages et des villes.  C’était aussi un poète marginal, de cette marginalité si propre qui  le rendit populaire et le rapprocha d’une façon extraordinaire des  siens, dont il disait, mieux que personne, la détresse, le bouleversement  des valeurs, la perte des certitudes. C’était surtout l’un des  géants de la poésie kabyle résistante, refusant le joug colonial, mais  qui, dans l’impuissance, choisit l’errance, synonyme d’insoumission.  Aïssa El Djermouni (XXe siècle)  Aïssa Ben Rabah Merzougue, plus connu sous le nom de Aïssa El  Djermouni, est né à Sid R’ghiss (Oum El Bouaghi), en 1886. Issu  d’une famille de paysans sans terre, de la tribu des Ouled Amara  (Djeramna), il connut durant sa jeunesse la misère, la guerre et l’oppression.  Analphabète, il chantait tout ce qu’il ressentait sans composition,  aidé des poètes Boufrira, Cheikh Mekki Boukrissa et Hadj  Djebbari.  Il débute dans la chanson vers 1910, accompagné de sa troupe  constituée de Hadj Mohamed Ben Zine, Miloud Guerichi (flûtiste)  et Mohamed Ben Derradji (berrah), sillonnant l’Algérie et le  Maghreb. Il enregistre deux disques à Tunis ainsi qu’une dizaine  d’autres à Paris. Il réalisera plus de trente enregistrements, des centaines  d’oeuvres, ainsi que des dizaines de représentations publiques  dont l’une à l’Olympia (Paris) en 1937. Il mourut en 1945 laissant  un riche héritage à la chanson algérienne.